De la région des missions nous devions atteindre le nord du pays, Rurrenabaque et ses excursions dans le jungle.
D'après nos guides et les locaux croisés sur notre chemin, ce voyage de quelques centaines de kilomètres à travers les forêts tropicales ne devait pas être trop compliqué, la saison des pluies venant de se terminer. Une chose est sûre : on s'est fourrés le doigt dans l’œil !
Récit de 48 heures d'un long voyage un peu compliqué. Je précise que tout est vrai dans ce récit, même si j'ai du reconstituer un peu les horaire. Préparez-vous y a de la lecture !
Après coup on rigole de ce trajet épique, qui nous a aussi permis de toucher de près les conditions très difficiles dans lesquelles les habitants de cette région vivent. Ce genre d'expérience, en plus de nous renforcer un peu, fait partie de ce type de voyage. L'avantage c'est qu'on trouvera toutes les nuit en bus bien confortables après ça !
D'après nos guides et les locaux croisés sur notre chemin, ce voyage de quelques centaines de kilomètres à travers les forêts tropicales ne devait pas être trop compliqué, la saison des pluies venant de se terminer. Une chose est sûre : on s'est fourrés le doigt dans l’œil !
Récit de 48 heures d'un long voyage un peu compliqué. Je précise que tout est vrai dans ce récit, même si j'ai du reconstituer un peu les horaire. Préparez-vous y a de la lecture !
- 11h00 : nous arrivons à San Ramon, ville sans aucun charme, où nous allons essayer de passer le temps pendant 10 heures, avant notre prochaine correspondance de bus pour la ville de Trinidad.
- 12h00 : déjeuner dans la station service du coin, le patron est sympa et nous file quelques conseils : "Vous devriez avoir votre bus vers 21h30, et de toutes façons il y en a plusieurs autres qui passent en fin de soirée"
- 13h00 : on se cale en face de la station service, à l'ombre des gargotes/restaurants qui sont vides à cette heure là, et on passe le temps en regardant le spectacle des vendeurs de boissons et de friandises qui assaillent les bus à chaque arrêt (article à venir).
- 17h30 : Comme on commence à s'emmerder franchement, on se décide d'aller faire un autre petit tour de la ville. Attaque massive de moustiques sur la place à la tombée de la nuit, nous déguerpissons pour retourner à notre poste de guet préféré.
- 22h30 : Alors que plusieurs personnes nous avaient juré craché que le premier bus arriverait à 21h30, il se pointe à 22h30, mais est plein à craquer : pas de problème, on va attendre le prochain qui devrait arriver une heure plus tard, mais on commence vraiment à trouver le temps long.
- 22h45 : diner pris dans une des cabanes en bois qui longe l'avenue principale. La rumeur à propos d'un bloqueo sur la route d'accès à la ville commence à grandir, de même que notre inquiétude. (Pour ceux qui n'auraient pas lu les précédents articles, un bloqueo est un barrage routier provoqué par des manifestants ou des grévistes, ça peut durer très longtemps)
- 23h55 : On somnole un peu sur nos bancs, attendant un bus qui a forcément du retard, quand s'offre à nous un spectacle surréaliste : un groupe d'une vingtaine de personnes, banderoles à la main et pétards résonnants dans la ville traverse d'un air déterminé la route principale. Incroyable, ils entament une manif au milieu de la nuit ! Leurs revendications sont de la plus haute importance : ils réclament la démission d'un des membres du conseil municipal...
- 00h05 : de plus en plus inquiet, je traverse la rue pour aller questionner notre pote la patron du resto / station service : "un bloqueo à 20? Impossible ! Que peuvent bien faire 20 personnes au milieu d'une route... t'inquiète pas, ton bus va arriver, il est juste un peu en retard. Par contre si tu ne vois aucune voiture passer dans la prochaine demi-heure, c'est peut-être qu'ils auront finalement réussi à la bloquer la route!"
- 00h20 : aucune voiture n'étant passée devant nous depuis on bon moment, je me décide à aller voir ce qui se passe à la sortie de la ville. Après avoir parcouru 500m, je tombe effectivement sur un barrage en bonne et due forme : arbres barrant la route, pétards, slogans, banderoles et quelques pneus brûlants ça et là (au moins ça permet d'éclairer la scène). Passagers et conducteurs sont descendus pour tenter de comprendre ce qui se passe, et surtout d'expliquer aux grévistes qu'ils n'ont rien à voir avec tout ça et qu'ils faut les laisser passer. Ces derniers font évidemment la sourde oreille. Petit moment de désespoir quand je m'aperçois que le tout premier véhicule immobilisé devant le barrage est un joli bus avec écrit "Trinidad" pour destination... C'est notre bus! Pas de chance, à quelques secondes près il serait passé sans encombres et nous serions déjà loin ...
- 00h40 : je retourne vers la ville, pour chercher ma moitié, nos sacs, et nous décidons de marcher jusqu'au barrage pour entrer dans notre bus immobilisé : tant qu'à attendre, autant être bien assis, non? Au passage je ne peux retenir une petite remarque à notre copain de la station service : "Qui m'avait dit que 20 personnes ne pourraient jamais bloquer une route ?". "Bienvenue en Bolivie" me répond-il...
- 00h50 : Nous arrivons devant le barrage où les esprits commencent un peu à s'échauffer. Alors que nous enjambons les troncs d'arbres posés sur la route, certains passagers des bus, excédés, tentent de dégager la voie. C'est alors qu'un des manifestants menace quiconque voudrait forcer le barrage de lui jeter des pierres. Certains mettent la menace à exécution et attrapent des cailloux. Léger moment de confusion dans la foule des voyageurs, tout le monde court à son véhicule, quelques pierres volent, nous en profitons pour nous engouffrer dans notre bus, quand un petit caillou atteint ma belle sur la jambe, heureusement sans conséquence : tout ça commence à me chauffer sérieusement les oreilles.
- 00h55 : les esprits semblent s'être calmés. Je redescends du bus pour voir où en est la situation, quand j'aperçois devant moi un homme d'une quarantaine d'années, passager de notre bus, la main sur le front et gémissant doucement. Il a été blessé à la tête par un jet de pierre et pisse le sang. Une plaie bien moche sur le front (on aperçoit l'os... beurk). Là je m'énerve franchement, et fonce vers le barrage pour crier aux manifestants dans un mauvais espagnol que ce sont des cons irresponsables, qu'ils ont réussi à blesser quelqu'un, et qu'ils faut maintenant nous laisser passer pour qu'on emmène ce pauvre gars à l’hôpital. Plusieurs passagers déjà bien chauds se joignent à moi et haussent le ton. Des insultes volent des deux côtés. "Mensonges ! T'es un menteur!" me crie une femme au milieu des manifestants. Je n'en crois pas mes oreilles, et fonce chercher le pauvre malheureux avec un trou dans la tête pour mettre cette bande d'idiots devant leurs responsabilités. Le type approche doucement, soulève son mouchoir et montre sa plaie aux manifestants. Les lampes de poche se braquent sur le front du type, et un silence embarrassé se fait immédiatement chez les manifestants. Conciliabule.
- 01h15 : les manifestants nous laissent finalement passer "à condition que vous traversiez le barrage à pied à côté du bus, et que vous contourniez la ville sans la traverser"... conditions incompréhensibles, mais on s'exécute, trop soulagés d'être enfin libérés.
- 01h30 : après quelques centaines de mètres à marcher comme des idiots à côté du bus, nous montons et prenons la route en direction de Trinidad.
- 08h30 : nous arrivons à Trinidad après un trajet sans encombre. En descendant je me rends compte que le type blessé à la tête a finalement préféré rester dans le bus pour rentrer chez lui au plus vite (avec un trou dans le crâne... j'espère qu'il a de bons antibiotiques). Nous nous mettons en quête d'un bus pour notre destination finale : Rurrenabaque.
- 08h45 : Pas de chance, nous apprenons que la saison humide n'est pas complètement finie, et qu'il va nous falloir emprunter 2 correspondances : San Ignacio de Boxos puis San Borja. On paye (cher par rapport à d'habitude) un bus qui est censés nous emmener à San Ignacio en 4 heures.
- 09h00 : Arrive devant nous une espèce de camion à bestiaux avec une bâche plastique en guise de toit :"on ne vient quand même pas de payer notre billet pour passer 4 heures dans ce tas de boue ?" demandai-je à la patronne de l'agence de transport. "Non, ne vous inquiétez pas, c'est juste pour 15 minutes, après on vous change de véhicule". Bizarre bizarre... On charge valises, paquets, sacs de riz, pour finir avec la trentaine de passagers entassés dans le camion. En voiture Simone !
- 09h40 : On arrive au bout de la route, coupée par les eaux : j'aurais du m'en douter. Par "on vous change de véhicule", nous aurions du comprendre "on va vous entasser dans un vieux rafiot pour traverser la jungle par le fleuve!". Tout le monde monte avec les bagages et marchandises, et c'est parti pour une longue traversée de 4 heures dans la chaleur des marais tropicaux (moustiques de série). Pour cette première incursion dans la jungle, le paysage ne manque pas de charme, mais on aurait souhaité l'apprécier dans d'autres conditions...
- 13h40 : nous accostons, pour prendre un nouveau camion à bestiaux qui doit nous emmener à San Ignacio d'un trait cette fois.
- 16h00 : nous arrivons à San ignacio après une longue route de terre cahoteuse : "mais les gens qui vivent ici doivent endurer ça tout le temps eux aussi ?" demande-t-on à une passagère sympa qui vit dans un village en forêt. "Oui, on n'a pas d'autre moyen pour rallier les grandes villes pendant la saison humide. En saison sèche un bus confortable fait le trajet en 4 heures, et en plus c'est moins cher. En cette saison les compagnies multiplient les prix par 3 parce qu'ils savent que nous n'avons pas d'autres options".
- 16h30 : nous prenons un autre billet pour rallier la ville de San Borja, à environ 200 km de là. Dernière étape avant Rurrenabaque, on devrait y être en quelques heures. Là la compagnie de transport annonce la couleur : il y aura plusieurs changements de véhicule, mais tout est prévu ! On commence avec un mini-bus, que nous partageons avec 2 jeunes locaux. Le premier tronçon se fait sans encombres à travers un paysage de forêt très dense au soleil déclinant : c'est très beau.
- 18h00 : la route est coupée par les eaux: pas de problème, des pirogues sont à disposition pour nous faire traverser (prix en supplément)! La nuit commence à tomber, et les moustiques à attaquer, mais cette petite ballade au soleil couchant n'est pas dénuée de romantisme.
- 18h10 : arrivés sur la terre ferme, des motos nous attendent pour parcourir les 4 km qui nous séparent de la prochaine escale.
- 18h25 : Route à nouveau inondée : re-pirogue (à moteur cette fois) pour nous faire traverser. Nous accostons dans l'obscurité, il fait complètement nuit à présent.
- 18h35 : Un dernier transfert en moto nous est proposé en supplément pour nous faire rejoindre le taxi censé nous attendre à quelques centaines de mètres de là. Lassés de tous ces transferts qui nous ponctionnent à chaque fois, et encouragés par nos compagnons de galère qui ne souhaitent pas payer un énième supplément, nous décidons de marcher jusqu'à la voiture, dont on aperçoit déjà les phares au loin. Après avoir chaussé la lampe frontale, on s'élance dans l'obscurité de la jungle sur une piste jonchée de flaques de boue. La voiture qu'on estimait être à environ 400 m était en fait à plus de 2 km...
- 19h15 : nous arrivons enfin auprès d'un mini-bus, qui s'avère être celui d'une autre compagnie. "Votre taxi est bien là-bas, 200m plus loin, mais le chauffeur n'est pas là, vous devez l'attendre, il ne devrait pas tarder...". C'est pas possible, on va jamais s'en sortir de ce trajet de malheur...
- 19h40 : le chauffeur de taxi arrive enfin, conduit par une moto qui manque de se vautrer tous les 10 m dans la boue. Il et d'ailleurs suivi par une autre moto qui se couche carrément dans la boue en arrivant, projetant la passagère et l'enfant qu'elle tenait dans ses bras à terre, sans gravité heureusement. "Finalement on a peut-être bien fait de venir à pied jusqu'ici".
- 19h45 : nous montons dans la voiture, fatigués physiquement et moralement, mais content d'avoir passé le plus dur, comme nous le confirme notre sympathique chauffeur, la boule de coca dans la joue.
- 19h55 : après 10mn de trajet, nous devons descendre pour alléger la voiture, ce qui devrait lui permettre de passer la marre de boue qui se trouve devant nous sans l'enliser. Nous enlevons nos chaussures, retroussons nos pantalons et traversons la boue sur 20m. La voiture s'enlise quand même, évidemment.
- 19h57 : "les deux garçons, vous pouvez pas m'aider à sortir la voiture de là?" nous demande la chauffeur en nous tendant une corde. Nous tirons et finissons par sortir l'engin de la boue, non sans s'être fait arroser au passage. On n'est plus à ça prêt, et en plus il parait que la boue arrête les moustiques...
- 19h58 : le chauffeur se rend compte qu'il a crevé un pneu en sortant la voiture de la boue.
- 20h10 : nous repartons après avoir changé la roue.
- 20h20 : nouvelle flaque de boue : nous redescendons, traversons à pied, la voiture s'enlise de nouveau, mais se fait remorquer cette fois par un collègue en mini-bus. Nous remontons dans la voiture et poursuivons notre chemin.
- 20h45 : à deux reprises nous sommes bloqués, non pas par des manifestants, mais par des troupeaux de buffles qui s'étaient endormis sur la piste !
- 00h00 : nous arrivons enfin à San Borja, épuisés. Un de nos compagnons de route s'arrête ici, le chauffeur nous assure qu'un mini-bus va passer pour nous emmener à Rurrenabaque entre 01h00 et 02h00 du matin. Comme on a envie d'en finir au plus vite, nous décidons de l'attendre et nous allongeons sur les bancs de la gare routière pour nous reposer un peu.
- 03h00 : évidemment le mini-bus n'est jamais passé, et notre compagne bolivienne décide d'aller réveiller un des chauffeurs qui dormait dans sa voiture pour lui demander à quelle heure partent les premières navettes. Celui-ci nous dit qu'il part à l'aube, vers 06h30 pour Rurre, et nous propose même de finir la nuit dans son confortable fourgon (sièges inclinables s'il vous plait!). Nous acceptons volontiers.
- 06h30 : lever de soleil, nous nous réveillons un peu fourbus, et prenons un petit déj bien mérité chez une mamie qui nous réconforte avec de délicieux beignets.
- 08h30 : nous partons enfin à bord de notre dernier mini-bus, qui a entre temps pris la peine de remplir les places pour rentabiliser le trajet.
- 09h30 : Alors que nous roulons sur la piste, un bruit de casse mécanique se fait entendre à l'arrière du véhicule, nous nous immobilisons (restons zen...). La panne est identifiée rapidement, le patin du tambour de frein arrière droit a explosé. Pas de souci, le chauffeur ouvre le tambour, ramasse soigneusement les pièces cassées, et referme le tout. Nous continuons avec un frein en moins.
- 12h00 : nous arrivons enfin à Rurrenabaque, après ce qui devrait être un des voyages les plus éprouvants qu'il nous ait été donné de vivre, on l'espère en tout cas. Sous un soleil radieux, nous marchons jusqu'à notre hôtel, où nous aurons bien mérité une bonne après midi de repos !
Après coup on rigole de ce trajet épique, qui nous a aussi permis de toucher de près les conditions très difficiles dans lesquelles les habitants de cette région vivent. Ce genre d'expérience, en plus de nous renforcer un peu, fait partie de ce type de voyage. L'avantage c'est qu'on trouvera toutes les nuit en bus bien confortables après ça !
Ahhh mon Gibbon, j'l'ai lu ce matin et je me le relis ce soir... Pourquoi vous n'avez pas appelé chouchou ?
RépondreSupprimerBécos à tous les deux...
Tu vas voir, ce sont ces moments qui restent le plus en memoire. En tout cas, belle epopee
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